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18 janvier 2008




"en même temps Berthold, une femme à trente ans elle ne rit plus comme avant, il lui faut un beef-steak, un canari, un jeton de caddie. C'était adorable et parfois ça touchait au splendide tes cris sous la lune, tes odes soudaines, c'était troublant tes cheveux longs, tes vocables un peu comme des chewing-gums d'un lendemain de cuite, tu parlais pas comme tout le monde non, mais tes mots, là tes mots, je les ai vraiment lavés, relavés, repassés, séchés, combien de fois je les ai relavés, repassés, suspendus sur le fil dans la salle de bain, et c'était toujours les mêmes, un peu plus salis à chaque fois évidemment, et tes mots faut voir comme ils ont commencé à déteindre sur toi, à imprégner ta peau, on te reconnaît même plus maintenant, ton beau visage, tout écarlate maintenant, tout déformé, y'a une pluie de mots qu'a fait pousser sur ton crâne des difformités oui y'a des bosses sous ta peau, tes poèmes ils t'ont carrément défiguré, quand on te voit marcher dans la rue t'es complètement penché on dirait une feuille d'automne, tes joues se fondent avec ton nez en un magma, une sorte de point d'interrogation boursouflé, on ne te reconnaît plus Berthold, t'es devenu dégoûtant, t'es du chiendent, et moi dans tout ça, de te voir escalader les murs pour aller voler des pots de fleurs sur les balcons, rouler tes grands mots d'enfant sous les tables et les vomir dans les chiottes, parce que tu vois Berthold, moi je ne te demande pas d'être pathétiquement ordinaire, je te demande juste une ou des passions contenues, mais là... là c'est pas possible tu es, tu es toujours dévasté, on dirait que tu coules de partout, que tu fuis de tous les côtés, t'hémorragises Berthold, en continu, qu'on peut pas passer une soirée tranquille, faut toujours que tu te jettes sous les roues des voitures, que tu te frappes le coeur comme si t'étais un incendie, on n'est jamais tranquille, c'est toujours Titanic, dans le sang, dans le bouleversement, tu ne veux pas être un peu plus poli dans tes souffrances, on dirait un chiot qu'a perdu sa mère. Moi j'en ai marre de toujours payer le restau, de te payer tes habits, pour que tu puisses mieux fumer tes marguerites et toucher les nuages, marre de traîner ta carcasse, moi maintenant le gris tu vois je l'aime bien, je veux bien revenir à du gris, à des listes de courses, des réservations de vacances, je veux bien me lancer dans l'aérodynamisation du profil kilométrique de ma carrière, je veux bien changer des couches pendant qu'on me fait cocu, je veux bien de la normalisation, de la congélation, de l'uniformisation, de l'atomisation, de la néantisation ; un savon avec une petite serviette propre dans une salle de bain un lit avec une couverture jaune citron je veux bien de toutes ces denrées comestibles ultra-périmées.

Sophie."

... invidé par estragon à 20:08




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