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13 mars 2007




Après avoir été chassé du centre d’art, j’avais longtemps marché dans Paris. Je n’étais pas souvent sorti des caves lors de mon séjour, je clignais des yeux dans la lumière. Comme autrefois, je me perdais dans le quartier Arts et Métiers, je me cognais à des chintoks et des touristes, des vélos. Après une heure ainsi à me perdre jusqu’à en pleurer de rage, je finissais par tomber sur le métro R., je prenais la ligne 10 jusqu’à P., je sortais de là épuisé, je m’asseyais sur un banc et fixais longtemps l’énorme fontaine au milieu de la place et ce type qui joggait autour. Quelques instants plus tard je me réveillais en hurlant, je quittais le banc et je me mettais en route, presque en courant ; je voulais rentrer chez moi, mais un invincible dégoût me retenait : aller là-bas dans ce coin, dans cette répugnante taule où j’avais pourri déjà pendant plus de deux ans... Je continuais mon chemin sans but. Mes frissons nerveux devenaient fébriles ; j’avais froid malgré cette chaleur étouffante. Je me mettais à observer avec attention les objets situés sur mon chemin, avec effort, je cherchais à tout prix une distraction ; mais cela ne me réussissait pas et je retombais constamment dans mon rêve. Quand, après un frisson, je relevais la tête et regardais autour de moi, j’oubliais tout de suite à quoi j’avais pensé et quel chemin j’avais pris. Je traversais ainsi tout le bois de B et m’engageais dans un parc. La fraîcheur de la verdure plaisait tout d’abord à mes yeux fatigués, habitués à l’atmosphère poussiéreuse de la ville, aux vapeurs et au cortège écrasant des gros immeubles. Ici, il n’y avait ni chaleur suffocante, ni puanteur, ni rues bondées. Mais bientôt cette sensation agréable se muait en impression maladive et énervante. Parfois je m’arrêtais devant quelque villa, regardais au travers de la grille ; je voyais des femmes ridées d’UV en rose fushia sur les terrasses, et leurs filles en bas âge qui couraient dans les jardins. C’étaient les fleurs qui me retenaient le plus et que je regardais surtout. Un moment, je m’arrêtais et comptais la monnaie qui me restait ; je n’avais plus qu’environ deux euros : « Dix au clochard, trois-cent au centre d’art, donc j’ai donné quarante-sept ou cinquante euros hier à X-38 », calculais-je, mais j’oubliais tout de suite dans quel but j’avais sorti l’argent de ma poche. Je m’en souvenais quand je passais devant un petit restaurant chinois et sentais que j’avais faim. J’entrais, buvais une bière et achetais un petit gâteau fourré. Je l’achevais sur le chemin. Il y avait déjà longtemps que je n’avais pas bu d’alcool et l’effet de celui-ci fut immédiat quoique je n’en avais bu qu’un seul verre. Mes jambes se faisaient pesantes et j’éprouvais un fort besoin de sommeil. Je me dirigeais vers mon studio, mais ayant atteint la bordure du parc, je m’arrêtais, fatigué à l’extrême ; je quittais l’allée, m’engageais dans les buissons, me laissais choir sur l’herbe et m’endormais immédiatement.
Je faisais un songe affreux.

Modifier le mot de passe : le corps social n’est qu’un fantôme.
Modifier la question secrète : l’artiste n’établit de liens qu’avec sa micro-niche.


*mycroft’s incipit.

... invidé par estragon à 18:20




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