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07 janvier 2007




Who is Martin Gale ?
Un flux et reflux entre protocole nominal identitaire et protocole modal fictionnel.


N’avons-nous donc connu personne
pour écrire ici comme si
les lendemains
dépendaient d’un mot
la fuite et le sale temps
du type à ma gauche
me frappe de son crâne
dans les métros replié le drame
du t’as pas une clope perpétuel
sur le banc des phalanges crasses
les dérives sèches
de demain m’indiffèrent



Ce matin je m’arrache une dent et débriefe avec Jo mes trente ans accumulés à vivre en muselière la sourdine tenace. Je comprends assez bien que le parcours est déjà terminé. Qu’il n’y a plus d’espoir. Que nous allons nous confondre. Que peut-être l’un sera mort avant l’autre. Que tous les débris seront poussières, que rien n’aura servi. Que beaucoup ont vécu ainsi, sans que rien ne serve, ils n’en sont pas morts pour autant ou plutôt si, mais ça ne leur faisait rien.

Je démêle avec Jo ce qui me reste de poitrine et on entre dans le métro. Je lui demande si c’est bien la peine d’aller jusqu’au bout. Oui me dit-il, parce qu’on meurt moins vite. Oui mais j’aime pas cette détestable impression d’idiotie. C’est vrai, tu ne t’es pas assez battu, tu n’as pas fait comme tout le monde : tu n’as pas sucé les couilles des gens.

Oui c’est détestable, je réponds.

Oui vraiment t’aurais pu, ajoute-t-il. Je veux dire y’en a qui sucent à mort, et d’autres qui se croient désirés. Tout est une question de thune et de visibilité.

Oui mais moi vraiment c’est pas que ça m’intéresse pas, c’est surtout que j’y pense même pas. Et je reste chez moi et je vais finir dans ma crasse abjecte à trimer pour rien.

Oui dit-il.

Je lui dis : oui quoi, et il répond rien.

Je lui dis : dis quelque-chose. Et il répond toujours pas.

On est dans le métro sur des sièges qui se cassent vers le bas et deux types pas nets froncent le nez.

Jo, lui, est congélateur. Jo se satisfait d’une vie brune qui coule. C’est décembre et on est seuls. Jo m’aime bien mais il est accablé. Selon lui c’est un gâchis. Je suis bien d’accord. J’aurais dû plus sucer. J’ai essayé mais c’est pas mon truc, les trucs fluos avec des plumes. Je peux pas. Je reste chez moi. Et c’est sûr un 24 décembre dans le métro avec Jo vers 22h, on se demande tous les deux à quoi je sers. À rien me dit-il, il va falloir t’y faire.

Je m’y fais pas. Je me pose des questions.

Je veux rester dans cette même dynamique cent-sept ans jusqu’à ce que mort s’ensuive même si je n’ai servi à personne. Je ne peux pas m’arrêter, bien que je ne serve à rien. Et pourtant ça me tue. De finir comme ça un 24 décembre, littéralement décédé vers la Motte-Piquet. Les humains sont tous dans leurs baraquements avec du Schnaps.

J’aurais aimé servir à quelqu’un. Il me dit : « tu sers à quelque-chose ». « Tiens tu crois que Truc se morfond pas aussi ? Parce que sucer ça va un temps, la vérité te rattrape toujours !

Tu pouvais pas me le dire plus tôt, je lui dis la tête près d’un rail de métro.

Viens-là, ajoute-t-il, fais pas le con.

Je lui demande si on est tous condamnés à être des daurades.

Je ne te suis plus veux-tu des macarons, c’est ma mère qui les a faits (sa mère est juive à Jo, qui s’appelle Jo pour faire comme ci, Jo qui a ses soucis aussi).

Je ne veux pas de macarons sommes-nous condamnés à être des daurades. Et toi Jo es-tu heureux.

Oui je suis heureux parce que j’accepte de ne servir à rien et de finir ainsi. Chaque histoire est différente. Toi tu as ce que je n’ai pas : l’amour.

Jo !

Quoi connard.

C’est loin que t’habites ?
T’es jamais venu ?
Non.
Tu vois j’ai aucune volonté de laisser quelque-chose d’utile à l’humanité mais par contre un souci épineux me baragouine dans la plante des orteils : oh Jo, quand est-ce que tu seras aimé. Tu vois je cherche pas l’amour d’une nation, d’un épithète et d’une église, juste d’un bout de chair qui finira par me lasser. Et tu vois j’en arrive à me dire que, ne serait-ce que se lasser, c’est une belle chose. Ça signifie qu’on a déjà quelque-chose entre les doigts. C’est un luxe de se lasser. J’aimerais vraiment connaître ça. Couillon.

On monte les 208 étages jusqu’à sa chambre de bonne. Dans le 104e. Vers Nation.
Arrivés là-haut il nous fait des mojitos. Et puis mon téléphone sonne. Parce que j’ai un portable maintenant. Et les gens ils faisaient hu hu, t’es vraiment hu le seul hu qu’a pas de téléphone portable en 2006. Et j’en avais jamais eu. Et hu hu j’en ai un. Hoou, dit-il en concassant la menthe. Hooouuuu répété-je. Puis il s’en va aux chiottes sur le palier.

L’appartement de Jo est revêche et mal rasé. Chaud et tuberculeux. En cette soirée de décembre, je m’y sens bien. Ma famille est partie au loin, un père Noël qui n’existe plus à la main. Il y a une brosse dans un coin, et un séchoir à cheveux, ainsi qu’une paire de bottes, une addiction sous pression noyant le monde, une tonne d’ordures échevelées.

Tu fais toujours de la poésie ? dit-il en sortant. Non parce que je me demandais. Ce serait con.

Ouais mais parfaitement inutile.

Allez, arrête. On ne sauve personne. Faut juste essayer d’être serein, le plus longtemps possible.

On fait clink, il baragouine barmizwloch et je dis à ta santé.
Clink.
Clink.

Après je me souviens plus.

... invidé par estragon à 00:56




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