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18 janvier 2007




Tribute to the past - steppe 4

C’est devenu immobile pour 28 et il n’a plus soufflé mot. C’est devenu immobile, la vie est devenue immobile : il ne fallait plus bouger pour que ça ne s’agrandisse pas. Il se promenait entre les meubles et les objets, veillant à ce qu’elle ne suppure pas trop à l’air, qu’elle n’empoisonne pas l’espace, il espérait qu’elle cicatriserait vite, malheureusement très rapidement ça s’est gangrené. Il est resté relativement immobile à ne pas trop respirer et c’est monté. Il avalait des petits cachets pour se tenir tranquille mais tandis qu’il divaguait on le regardait de travers parce que ça commençait à puer. Il décida de porter plainte.

— Bonjour monsieur (il soupira). Alors ? C’est pour quoi ? Fausse bonhomie, assurance maquillage réflexe de survie.
— Je viens pour porter plainte contre X.
— Bien. Quel est l’objet de votre plainte ?
— Je n’ai jamais cicatrisé.
Il redresse le nez.
— Monsieur y’a des gens qui travaillent ici, on n’a pas le temps pour vos plaisanteries.

28 s’était cru dans un roman à partager ses métaphores, à développer aux nez de gens réels qui souffraient de leur condition humaine mais ne la mouftaient pas avec leurs pauses de machines à café et le train de banlieue de merde, il avait cru bon venir insulter ces gens de son esprit non coopératif et très malpoli, ambitieux dans sa pose malheureuse, s’imaginant que, quel humour, quelle poésie. On l’envoya bouler, il eut un peu honte de sa grandiloquente maladie qui le suivait partout et qu’il avait cru bon souligner.

28 s’était offert cette incartade en pays civil et normé le 12 avril. Il commençait à se dire que c’était pas drôle. Surtout pas lui depuis que tout s’était immobilisé et qu’il vivait dans une nuque en carton.

28 avait rencontré 13 dans la galerie des Vertus, et 13 semblait manifestement avoir d’autres centres d’intérêt que 28, à un tel point qu’il ne savait même pas que 28 s’appelait 28. 13 semblait désabusé, vastement détérioré. Le monde fluait autour de 13 sans qu’il lui accorde la moindre importance, ni ne le creuse de ses doigts ainsi que le faisait 28. 13 peignait des suicides, indifféremment. On pouvait y trouver à redire, juger la chose néfaste, ou bien s’extasier pauvrement, néanmoins 13 s’en foutait aussi de ça, 13 poursuivait un but inexorable qui lui échappait et qui fascinait 28.

28 ne savait que faire avec sa gangrène. Bientôt il dut se séparer d’une partie de lui-même. Il partit sans laisser d’adresse. 13 ne lui parlait toujours pas. Quand 28 revenait à la galerie, afin de se sentir brièvement exister, 13 était posté contre le mur à regarder ses pieds tandis que pas mal de gens discouraient sur la pêche des truies en eau douce, le CPE et les caïlleras. 28 ne pouvait se résoudre à aborder 13 parce que ses mots auraient lapidé le reflet de 13, 13 en lui répondant serait devenu un autre 13, se colorant de sons inappropriés, en inadéquation avec l’image que s’était bâtie 28 à l’endroit de 13.

13 ne plaisait pas. Pour diverses raisons. Il puait lui-aussi – ce qui avait particulièrement attiré l’attention de 28. C’était un mélange de tabac, de vie dissolue, un contre-courant glauque, en tout cas pas une cicatrice. Plutôt l’odeur de la colère. 13 semblait dissout de colère. En de multiples petits fragments qu’il laissait choir près de lui ou de ses interlocuteurs.

28 par l’intermédiaire de 15 avait trouvé refuge dans un hangar, non pas abandonné, mais propriété négligée d’une madame Brêleta, qui tenait une grosse galerie en fusion légèrement cinglée. Dans le hangar il y avait un évier, très large et très sale et de l’eau froide. 28 grelottait quand il devait laver sa cicatrice. Il dormait sur un matelas pneumatique, dans un sac de couchage tout habillé.

... invidé par estragon à 20:42




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